« Flamber » une partie de sa paye en jouant à telle loterie ou en pariant sur le résultat de tel match de foot, « faire chauffer sa carte bleue » sur un site de fast fashion, « faire des heures pas possibles » au boulot… mises à part les considérations sociales, culturelles et religieuses, ces comportements ne sont pas forcément problématiques lorsqu’ils restent des épisodes isolés, ponctuels.
En revanche, si ces expériences, sources de plaisir à l’origine, se multiplient au point de menacer l’équilibre de la personne qui s’y adonne ; si elles naissent d’une impulsion ou d’une compulsion à laquelle la personne ne semble pouvoir résister ; si la privation de ce comportement cause colère, maux de tête, pensées obsessionnelles… il s’agit peut-être d’une addiction comportementale.
Le terme d’addiction est connu lorsqu’il s’agit de la consommation excessive et irrépressible d’une substance psychoactive : alcool, tabac, médicament, drogue…
Elle l’est beaucoup moins quand c’est à une activité qu’une personne devient dépendante. Pourtant, les addictions comportementales se développent de manière exponentielle depuis environ 35 ans.
Lorsqu’il est question d’addiction comportementale, aucun produit extérieur n’intervient. Certains auteurs la qualifient ainsi de « toxicomanie sans drogue », d’autant plus difficile à identifier que l’activité est banale et anodine en soi. E plus le comportement est facile d’accès, plus l’addiction comportementale peut se développer.
Il faut noter que, malgré l’absence de prise de substance, l’addiction comportementale génère le même syndrome de sevrage en cas d’arrêt ou de privation de l’activité addictive. Par exemple : fatigue, irritabilité, anxiété, maux de tête, comportements de substitution.
Par ailleurs, le terme d’addiction comportementale regroupe en réalité des comportements très différents les uns des autres, dont la liste varie d’un auteur à l’autre. Je vous présente les principaux ci-dessous, ceux sur lesquels il y a consensus.
Avant cela, je vous propose de revenir rapidement sur les critères qui déterminent généralement une addiction.
Aviel Goodman, psychiatre, a listé les caractéristiques suivantes qui constituent une addiction
Ces critères de portée générale sont complétés par des outils spécifiques à chaque catégorie d’addiction comportementale. Encore faut-il reconnaître un comportement comme étant problématique, ce qui est plus difficile qu’en présence d’une addiction à une substance.
qui doivent être au nombre de 5 minimum :
Intensité et durée des épisodes plus importantes que souhaitées à l’origine
Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement
Temps important consacré à préparer ces épisodes, à les entreprendre et à s’en remettre
Survenue fréquentes des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires ou universitaires, familiales ou sociales
Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement
Perpétuation du comportement bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d'ordre social, financier, psychologique ou physique
Tolérance marquée, c’est-à-dire besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour obtenir l’effet désiré ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité
Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement
L’addiction comportementale a ceci de particulier que le comportement devenu problématique est, à l’origine, un comportement « normal », à la portée de n’importe qui à n’importe quel moment, notamment depuis le développement de l’accès à internet. Tout le monde peut travailler, dépenser de l’argent, acheter un jeu de grattage… que ce soit en présentiel ou en distanciel.
Parfois, un comportement est même encouragé socialement. Prenons l’exemple d’un homme qui pratique une activité physique de manière intensive. Communément, il sera considéré comme un individu discipliné et performant, qui prend soin de lui. Parlons également de cette femme qui travaille sans compter ses heures, y compris le week-end et pendant ses vacances. Certains la citeront en modèle de travailleuse investie.
Cette valorisation sociale est l’une des causes de déni d’une addiction comportementale, notamment de l’anorexie mentale et de l’addiction à la pratique d’une activité sportive ou au travail.
Elle consiste en des pensées envahissantes concernant l’acte d’acheter et/ou des pulsions d’achats irrépressibles, fréquentes et injustifiés compte tenu des besoins de la personne. Ces achats dépassent ses capacités financières.
L’addiction aux achats cause principalement des problèmes familiaux et financiers. Elle peut être assujettie à un facteur déclenchant, qu’il soit lié ou étranger à la personne elle-même.
Autrement appelé le workaholisme ou l’ergomanie, il s’agit d’une compulsion visant à consacrer longtemps, régulièrement et de manière obsessionnelle trop de temps et d’énergie au travail, sans que cela soit justifié par une surcharge de travail ou des contraintes financières.
L’addiction au travail a de nombreuses incidences sur la vie sociale et familiale de la personne.
Les TCA se trouvent à mi-chemin entre l’addiction à une substance et l’addiction comportementale. Dans le premier cas, il s’agit de l’addiction au produit qu’est la nourriture ; dans le second, de l’addiction au comportement propre au TCA en question : jeûne pour l’anorexie mentale, prises de nourriture incontrôlée avec pratiques compensatoires telles que les vomissements pour certaines formes de boulimie, etc.
Le classement de l’anorexie mentale comme addiction comportementale est plus discuté car elle consiste réellement en une restriction continue de nourriture, et non à une compulsion. Au contraire, la boulimie répond plus clairement aux critères de l’addiction.
Pour plus de détails, je vous invite à vous reporter à ma page consacrée aux TCA.
Ce comportement est caractérisé par la décision de miser une somme d’argent, qui n’est pas récupérable, sur le résultat d’un processus au moins partiellement dû au hasard. Il est répété, persistant, et entraîne le joueur dans un cercle vicieux inextricable : s’il perd, il rejoue pour essayer de « se refaire » ; s’il gagne, c’est qu’il est en veine et qu’il pourrait gagner à nouveau, donc il rejoue ; etc.
Cette addiction nuit particulièrement à la santé financière de l’individu. Certaines personnes vont jusqu’à commettre des actes illégaux pour se procurer l’argent nécessaire au jeu.
Parfois appelée bigorexie, elle intervient lorsqu’un individu s’adonne, fréquemment et durablement, à une activité physique de manière compulsive, excessive et incontrôlable, au détriment des autres domaines de sa vie. Elle constitue un danger pour le corps car la personne persiste dans sa pratique sportive malgré ses blessures, douleurs et fatigue.
Cette addiction peut être associée à la consommation de substances identifiées comme moyens d’augmenter les performances et à des TCA.
Comme pour les autres addictions, celle-ci comporte une dimension de perte de contrôle et de priorité toujours croissante à l’activité en cause. Contrairement à une idée reçue, elle ne touche pas que les adolescents.
Elle a pour principale conséquence la privation de sommeil donc, à plus ou moins long terme, la mise en danger de la santé de la personne.
C’est l’addiction comportementale qui souffre le plus du développement des nouvelles technologies. En effet, l’apparition d’internet s’est accompagnée de la mise en ligne d’innombrables sites et contenus pornographiques, impossibles à contrôler notamment en termes d’accessibilité. Le développement des smartphones est venu aggraver ce phénomène, et ce dans un intervalle de temps très court en comparaison des autres addictions comportementales.
À tel point que les critères propres à cette addiction peinent à être définis unanimement. Il existe toutefois quelques caractéristiques essentielles : une conduite sexuelle excessive en fréquence et en intensité, présentant craving et perte de contrôle, servant de moyen de régulation des émotions.
Un des facteurs spécifiques de déclenchement de cette addiction est que la sexualité elle-même induit la production de dopamine, « l’hormone du plaisir ». Celle-ci est impliquée dans l’activation du système de récompense, également sollicité en présence de n’importe quelle addiction, ce qui favoriserait l'installation de l'addiction sexuelle.
L’addiction cybersexuelle a pour particularité la surconsommation de contenus pornographiques en ligne. L’addiction sexuelle peut quant à elle amener l’individu à avoir des comportements sexuels à risques, notamment des rapports sexuels non protégés, ou avoir recours à la prostitution (pénalement puni en France).